Est-ce ma récente visite à l’opéra qui m’a soufflé d’ouvrir l’histoire de Farinelli, célèbre castrat du XVIIIème siècle ? Probablement, car cela m’a permis de me projeter dans les scènes de chant dans les théâtres anciens ! D’ailleurs, ce roman étant basé sur le film du même nom, on retrouve un côté très visuel dans l’écriture.

A travers un style très fluide, nous faisons connaissance avec le jeune Carlo Broschi, doué d’un talent inné pour le chant, qui se fait un jour castrer contre son gré afin de garder cette voix pure toute sa vie pour servir la musique. Son frère, Riccardo, reste à ses côtés afin de gérer sa carrière et le faire connaître dans le monde entier, écrivant aussi des œuvres spécialement pour sa voix.

Sous le nom de Farinelli, Carlo devient très vite une célébrité et chante d’une cour royale à une autre, oublieux de son corps qui fatigue et qui le force un jour à se stabiliser. Les deux frères vont finalement s’installer à Londres et retrouvent le célèbre compositeur Haendel, mais leur entente est impossible, tant ils sont gonflés par leurs egos respectifs.

Il est curieux de se plonger dans la vie de ce curieux personnage ayant réellement existé. Le lecteur se pose les mêmes questions sur la mutilation du corps du chanteur que les autres personnages du roman. Sa souffrance à la fois physique et psychologique est touchante, et crée à la fois une attirance et un rejet chez ses pairs. La perfection du chant de Carlo est également source d’admiration et de rejet, comme si l’adoration de l’audience des castrats ne pouvait dépasser la mutilation physique qui en est pourtant la cause. Cette ambivalence entre la perfection et le handicap reste au centre du roman à travers le désespoir parfois frappant de Farinelli.

A lire ou à voir si cela n’a pas déjà été le cas, car les interrogations sur de tels compromis pour assouvir des passions ne pourra qu’enrichir une réflexion encore existante aujourd’hui : exceller dans un art permet-il de faire oublier, à l’artiste ou à son audience, le handicap?