D’habitude l’hyper-violence me gêne vraiment… j’ai souvenir d’une scène dans « American history X » où le mec se fait exploser la tête contre un rebord de trottoir et des années après je revois toujours parfaitement les images… Alors vous allez croire que j’aime souffrir en ouvrant « L’orange mécanique » ? Oui, vous pouvez, car j’ai adoré ça ! (j’ai honte, j’ai honte…)

Dans quel pays on est et à quelle période, difficile à savoir de manière explicite. Probablement l’Angleterre des années 60, vinyles à l’appui et quelques noms de rue qui sonnent anglais, en sachant que le texte a été publié en 1962. Ce qui perturbe tout d’abord, c’est la langue utilisée. Je suis bien contente de ne pas avoir eu à lire ce roman en langue originale car même en français, il a fallu s’accrocher : le narrateur, Alex, 14 ans, utilise une espèce d’argot aux consonances slaves assez compliqué à suivre (et même si on s’y fait au bout de quelques pages, la présence d’un glossaire en fin de livre soulage bien les neurones parfois!), ce qui souligne comme toujours le besoin de la jeunesse de se démarquer des générations précédentes. Un autre moyen de se démarquer, c’est cette violence dans laquelle les jeunes vivent et prennent du plaisir. Alex et ses potes adorent aller frapper, voler et violer qui a le malheur de croiser leur chemin… Mais un beau jour, les choses tournent mal pour Alex !

La dénonciation de l’hyper-violence des jeunes est abordée de manière extrêmement intéressante : non seulement la focalisation est interne à Alex, ce qui permet de voir avec ses yeux et ressentir avec son cœur tout le plaisir qu’on peut avoir à être violent, mais on comprend aussi comment on a pu en arriver à une telle société dystopique à travers tous les films projetés à Alex lors de sa « cure ». Les mentions des tortures de guerre en sont un exemple : l’homme porte le poids des générations précédentes et reproduit ce qui l’a précédé, mais de manière toujours plus excessive.

Un contre-pied intéressant à cette violence apparaît sous la forme de la musique classique qu’Alex adore écouter ; ainsi, la plus pure création de l’homme cohabite avec ses pires actes, et cette association complexifie clairement la situation cauchemardesque dans laquelle se trouve la société montrée ici.

De plus, même si la compréhension du texte n’est pas très aisée parfois, l’argot permet au lecteur de prendre de la distance avec les actes dépeints en agissant comme une sorte de filtre sur son image mentale. Les actes de violence seraient probablement insoutenables sans cela, et le récit perdrait une partie de son intérêt.

Alors que, comme dans ce roman, nos prisons sont bondées et la violence, qu’elle soit verbale ou physique, ou au volant comme à la maison, se généralise, le gouvernement tente de trouver des solutions pour limiter ces montées de violence… Arrivera-t-on jamais à un traitement aussi excessif que celui du roman dans notre réalité ?